lunes, 29 de abril de 2013

En Espagne, une protection du littoral à la carte


Antonio Banderas peut  respirer. La municipalité de Marbella, en Andalousie, a accepté de modifier son plan d'urbanisation pour que la maison du célèbre acteur espagnol devienne légale. En échange, il devra  céder une partie de son "jardin" de 1 200 m2, située sur la plage. La somptueuse  demeure  qu'il a achetée en 1997 avait été construite deux ans plus tôt grâce à un permis illégal accordé par une mairie corrompue.

Son cas n'est pas isolé. Des milliers d'autres maisons situées sur le littoral espagnol, elles aussi sous le coup d'un arrêté de démolition, seront bientôt épargnées. Sous prétexte de ne pas alourdir encore les problèmes économiques du pays, le Parlement espagnol approuvera, la semaine prochaine, une profonde réforme de la loi littoral de 1988.

Réduction de la frange du littoral protégée, ramenée de 100 mètres à 20 mètres à partir du rivage ; amnistie ou prolongement du moratoire sur les logements côtiers illégaux ; levée de la protection sur les salines ou augmentation de la durée des licences octroyées aux paillotes sont quelques-unes des dispositions prévues par cette nouvelle loi. "Nous sommes aveugles si nous ne voyons pas que la côte est un moteur d'investissement", a résumé, le 24 avril, le sénateur du PP (conservateur, aupouvoir) Enrique Lopez Veiga.

LEVÉE DE BOUCLIERS
Approuvée sous le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez, la "ley de costas" de 1988 interdisait les constructions sur une frange de 100 mètres àpartir du rivage. Mais elle n'a cessé d'être bafouée jusqu'à ce qu'en 2004, le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero se Tandis que les maisons construites après 1988 ont commencé à être purement et simplement détruites.
mette en tête de l'appliquer  et décide l'expropriation sans compensation des propriétaires concernés. Ceux qui avaient acquis leur maison avant 1988, en toute légalité, ont perdu leur titre de propriété, conservant le droit d'y résider encore soixante ans.
C'est peu dire que la loi a soulevé une levée de boucliers de la part de propriétaires souvent allemands, britanniques ou suédois... Des recours ont été déposés devant les tribunaux espagnols mais aussi devant le Parlement européen. Mais si l'objectif du gouvernement de Mariano Rajoy était de régler ce problème, qui affecte près de 250 000 logements, il semble cependant avoir échoué.

Sa réforme ne contente pas les propriétaires des maisons construites sur le domaine public, qui disposeront certes d'un nouveau moratoire de soixante-quinze ans maximum, mais ne récupéreront pas leur titre de propriété. "Pour nous, cette loi ne change rien au problème principal, celui de la confiscation de la propriété privée, regrette Carmen del Amo, présidente de l'Association européenne des victimes de la loi littoral (AEPLC). Au contraire, elle a augmenté notre insécurité juridique en laissant le gouvernement décider des maisons épargnées par la loi et des délais avant la destruction des autres."

"DES ANNÉES DE LUTTE À LA POUBELLE"
La nouvelle loi prévoit en effet une série d'amnisties selon des critères jugés opaques par les associations. Douze zones maritimes seront amnistiées, parmi lesquelles la marina de l'Empuriabrava à Gérone (Catalogne), Moana à Pontevedra (Galice) ou Punta Umbria à Huelva (Andalousie). La raison invoquée par le ministre de l'environnement, Miguel Angel Arias Canete ?"Ce sont des noyaux de logements totalement urbanisés, des terrains qui ont perdu leurs caractéristiques d'espace naturel et de littoral."

"Le gouvernement propose une amnistie à la destruction sauvage, dénonce  Pilar Marcos  de Greenpeace. Ce sont des années de lutte environnementale [mises] à la poubelle." Greenpeace a rédigé un rapport soulignant les relations de différents cadres du PP avec des entreprises  qui bénéficieront des changements législatifs. D'autres s'inquiètent du retour du modèle de croissance basé sur la spéculation immobilière qui a engendré la crise. Et rappellent que près de 44 % des Espagnols se pressent déjà sur les 7 % du territoire que représentent les zones côtières.

Mais l'écologie ne fait pas partie des priorités du gouvernement, qui a fondu le ministère de l'environnement dans celui de l'agriculture. En témoignent les récents projets de construction d'un gazoduc sous le parc naturel de Donana, en Andalousie, de prospection pétrolière au large des îles Canaries ou encore de vente de 57 monts et collines publics en Castille-La Manche