Antonio Banderas peut respirer.
La municipalité de Marbella, en Andalousie, a accepté de modifier son
plan d'urbanisation pour que la maison du célèbre acteur espagnol devienne
légale. En échange, il devra céder une
partie de son "jardin" de 1 200 m2, située sur la plage.
La somptueuse demeure qu'il a achetée en 1997 avait été construite
deux ans plus tôt grâce à un permis illégal accordé par une mairie corrompue.
Son cas n'est pas isolé. Des
milliers d'autres maisons situées sur le littoral espagnol, elles aussi sous le
coup d'un arrêté de démolition, seront bientôt épargnées. Sous prétexte de ne
pas alourdir encore les problèmes économiques du pays, le
Parlement espagnol approuvera, la semaine prochaine, une profonde réforme de la
loi littoral de 1988.
Réduction de la frange du
littoral protégée, ramenée de 100 mètres à 20 mètres à partir du rivage ; amnistie ou prolongement du moratoire
sur les logements côtiers illégaux ; levée de la protection sur les salines ou
augmentation de la durée des licences octroyées aux paillotes sont
quelques-unes des dispositions prévues par cette nouvelle loi. "Nous
sommes aveugles si nous ne voyons pas que la côte est un moteur d'investissement",
a résumé, le 24 avril, le sénateur du PP (conservateur, aupouvoir) Enrique Lopez Veiga.
LEVÉE DE BOUCLIERS
Approuvée sous le gouvernement
socialiste de Felipe Gonzalez, la "ley de costas" de
1988 interdisait les constructions sur une frange de 100 mètres àpartir du rivage. Mais elle n'a cessé d'être bafouée
jusqu'à ce qu'en 2004, le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero se Tandis que les maisons construites
après 1988 ont commencé à être purement et simplement détruites.
mette
en tête de l'appliquer et décide l'expropriation sans compensation des
propriétaires concernés. Ceux qui avaient acquis leur maison avant 1988, en
toute légalité, ont perdu leur titre de
propriété, conservant le droit d'y résider encore soixante ans.
C'est peu dire que la loi a soulevé une levée
de boucliers de la part de propriétaires souvent allemands, britanniques ou
suédois... Des recours ont été déposés devant les tribunaux espagnols mais
aussi devant le Parlement européen. Mais si l'objectif du gouvernement de
Mariano Rajoy était de régler ce problème, qui affecte près de 250 000
logements, il semble cependant avoir échoué.
Sa réforme ne contente pas les propriétaires
des maisons construites sur le domaine public, qui disposeront certes d'un
nouveau moratoire de soixante-quinze ans maximum, mais ne récupéreront pas
leur titre de propriété. "Pour
nous, cette loi ne change rien au problème principal, celui de la confiscation
de la propriété privée, regrette Carmen del Amo, présidente de
l'Association européenne des victimes de la loi littoral (AEPLC). Au
contraire, elle a augmenté notre insécurité juridique en laissant le
gouvernement décider des maisons épargnées par la loi et des délais avant la
destruction des autres."
"DES ANNÉES DE LUTTE À LA
POUBELLE"
La nouvelle loi prévoit en effet
une série d'amnisties selon des critères jugés opaques par les associations.
Douze zones maritimes seront amnistiées, parmi lesquelles la marina de
l'Empuriabrava à Gérone (Catalogne), Moana à Pontevedra (Galice) ou Punta Umbria à
Huelva (Andalousie). La raison invoquée par le ministre de
l'environnement, Miguel Angel Arias Canete ?"Ce
sont des noyaux de logements totalement urbanisés, des terrains qui ont perdu
leurs caractéristiques d'espace naturel et de littoral."
"Le gouvernement propose
une amnistie à la destruction sauvage, dénonce Pilar Marcos
de Greenpeace. Ce sont des années de lutte
environnementale [mises] à la poubelle." Greenpeace
a rédigé un rapport soulignant les relations de différents cadres du PP avec
des entreprises qui bénéficieront des changements législatifs.
D'autres s'inquiètent du retour du modèle de croissance basé sur la spéculation
immobilière qui a engendré la crise. Et rappellent que près de 44 % des
Espagnols se pressent déjà sur les 7 % du territoire que représentent les zones
côtières.
Mais l'écologie ne fait pas
partie des priorités du gouvernement, qui a fondu le ministère de
l'environnement dans celui de l'agriculture. En témoignent les récents projets
de construction d'un gazoduc sous le parc naturel de Donana, en Andalousie, de
prospection pétrolière au large des îles Canaries ou encore de vente de 57
monts et collines publics en Castille-La Manche